Tournage à Berne
Sarah a écrit, le 12 décembre 2009 :
Salut, je reviens à l'instant de notre tournage à Berne. Il faisait hyper, hyper, hyper froid. Pour pas avoir l'air trop blaireau, j'ai renoncé à me doudoune bien chaude... mais j'ai regretté ! Maintenant, j'ai le nez qui coule. Je crois que je tombe malade !
Bref, ça a commencé par un lever au petit jour, à 6 heures. Le soleil n'était pas encore debout, lui, et je dois avouer que j'avais un peu la tête dans le lard. Mais ça passe assez vite, j'adore les tournages ! A peine le temps d'avaler un petit-déj, je cours sous la douche, me sèche les cheveux. Je dois être à mon top !
On devait donc être à Berne à 8h30. Esther, la responsable des émissions, fait le voyage avec moi. C'est le dernier moment pour répéter mes textes. Elle dit tout le temps qu'il ne faut pas les apprendre par coeur mais mémoriser les « grandes idées », comme ça, c'est plus naturel. Aujourd'hui, on va parler d'un sujet assez compliqué, la « cyberintimidation ». Ensemble, on lit des articles de presse et on parle de ce thème très répandu, puisque plus d'un ado sur deux admet avoir déjà été harcelé sur Internet. Moi, ce chiffre, ça m'assied trop. 1 sur 2, tu te rends compte ? Bon, ce n'est pas toujours des trucs hyper graves, genre parfois, c'est juste des commentaires comme « t'es moche » ou « tu ferais mieux de faire un régime ». Mais je me demande bien ce qu'on risque quand on fait ça, parce qu'Esther n'arrête pas de répéter que c'est très grave.
8h30. On arrive à Berne. Rendez-vous dans un café près du Palais fédéral. Le reste de l'équipe nous rejoint. Maxime et Renato portent leur super T-shirt « Semaine des Médias », trop stylé ! On se commande des chocolats chauds et on regarde tous ensemble le déroulement de la journée. On va commencer par une séquence « plateau » dans la rue. Ça veut dire que je vais devoir présenter l'émission, devant la caméra, au milieu de la foule. C'est un peu plus stressant que quand on est tout seul. J'ai peur de me planter. Après la pause de midi, on ira dans les locaux de la police fédérale, les « cyber flics » qui surveillent le net. Leur responsable a accepté de nous accueillir et de répondre à toutes nos questions. J'espère que Max et Renato me mettront pas trop la honte. La police fédérale, ça assure un max, quand même.
Avant de tourner, séance maquillage improvisée dans les toilettes du café. On met un max de temps et une autre cliente s'impatiente et va chercher la patronne. Difficile de lui faire avaler que je fais une émission de télé !! Bien marrant. Il est déjà 9h30 mais.... Caramba ! Il pleut tout ce qu'il peut. Il faut renoncer à notre séquence en plein air devant le Palais fédéral et trouver un décor abrité. L'équipe de réalisation a déjà pensé à un plan B et on se dirige devant la gare, sur une grande place couverte.
On se les caille, carrément ! Et je stresse, recommence, reprend, me replante. Renato fait le dadet et Maxime s'énerve. Ça commence bien ! Lorsque, feu béni, on réussit notre vingtième prise : Patatra ! Juste à côté, l'église sonne tout ce qu'elle peut, ça dure des plombes. Un mariage ou un truc comme ça. En tous cas, impossible d'enregistrer, on ne comprend pas ce que je dis. Ou alors c'est Renato qui est vraiment trop nul, je sais pas trop.
A 11 heure, la séquence est en boîte. On est congelés. Pause repas, au chaud. On rigole, on se moque, on analyse notre première prise. Max est plutôt content. Moi, j'espère que ça ira mieux cet après-midi et que Renato n'oubliera pas, encore une fois, de mettre son casque.
14 heures. Rendez-vous dans les locaux de la police fédérale. Un jeune homme vachement sympa nous accueille, il s'appelle Tobias Bolliger, c'est le chef du SCOCI. Pour faire simple, le chef des Cyber flics qui surveillent le net. Avec Max et Renato, on est super impressionnés. Il a une plaque mortelle avec la même nana que sur les pièces de 5 francs. Ça le fait trop, genre agent fédéral dans les films américains.
Il nous montre les locaux, avec des serveurs monstrueux qui surveillent tout ce qui se fait sur Internet. Il nous explique son job, plutôt compliqué parce que, surveiller tout le web avec 10 agents, ça doit pas être toujours simple. Un de ses collègues, justement, vient de détecter quelque chose de suspect. Sur un tchat, il vient d'être abordé par un mec zarbi qui lui pose plein de questions hyper privées. Le blaireau ne sait pas que c'est un policier et des histoires comme ça, les cyber flics en voient tous les jours. La traque des pédophiles, c'est leur priorité. Mais pas seulement. Tobias Bolliger me parle des insultes et des moqueries que les ados s'échangent parfois. Il me montre des menaces de mort assez glauques que les internautes balancent comme ça, sans réfléchir, en se croyant totalement anonymes alors que pas du tout, les policiers ont notre adresse, qu'ils appellent « IP » mais, en gros, ça revient au même. Surtout, ça fiche les boules. Parce que M. Bolliger m'explique que c'est aussi grave que dans la vraie vie. Tu imagines ? Certains de ces délits peuvent même être punis par de la prison. Ferme. Même si tu es mineur. Un truc de fous.
En fait, tout ce serait passé comme sur des roulettes si ces deux imbéciles de Max et Renato avaient pas tout foiré à la fin de l'interview. Maxime a commencé à dire des gros mots et ça, c'est juste totalement interdit, parce qu'on essaie de faire une émission jeunesse. Renato, il s'est super énervé et il lui a collé un pain. Max, ça, il a pas aimé et il lui a recollé un pain. Et Renato un. Et Max un autre. Genre la super honte totale avec M. Bolliger en face de moi, mi-surpris, mi-amusé.
Les Cyber policiers, ils ont pas eu l'air de nous en vouloir parce qu'en partant, on a reçu des porte-clés Police fédérale à accrocher autour du cou. Le truc assure juste carrément, c'est écrit FedPol et ça le fait à fond. Même si, tous les trois, on aurait préféré la belle plaque style FBI de M. Bolliger...
Tournage à Sion
Sarah a écrit, le 19 décembre 2009 :
Hello ! A peine arrivée, je saute sur mon ordi pour te raconter ma journée de tournage. Aujourd'hui, on voulait aller à Sion pour rencontrer genre LE spécialiste d'Internet, un avocat super célèbre qui s'appelle Sébastien Fanti et qui passe tout le temps à la télévision, à la radio et dans les journaux. Il est célèbre parce qu'il arrête pas de répéter qu'il faut faire hyper gaffe sur Internet. Il faut « protéger ses données ». Moi, des données, j'en ai pas. Enfin, je sais pas bien ce que c'est. Et surtout pourquoi je dois les protéger.
Comme chaque matin de tournage, le réveil a sonné tôt, très tôt. Surtout ce matin où j'ai exceptionnellement forcé sur la bonté de mes parents et l'heure du coucher. Je regrette un peu. Pour gagner quelques minutes de sommeil, je renonce au petit déjeuner. 6 heures et quelques toutes petites poussières, pas le choix, il faut émerger. Me mettre « en situation », brushing, vêtements de tournage et surtout ouvrir les yeux. Dehors, il neige à gros flocons. L'hiver s'est installé en une seule nuit. Maman trippe carrément. Elle a entendu à la radio qu'il y avait des accidents sur l'autoroute. Je dois IM-PE-RA-TI-VE-MENT l'appeler dès notre arrivée à Sion. Oui, promis juré, maman chérie.
Je suis dans la première voiture, Max et Renato dans la deuxième voiture, répartis entre le caméraman et preneur de son de la vraie émission (ceux qu'on ne voit pas à l'image et qui nous filment « pour de vrai »... ben ouais, t'y avais pas pensé, hein ?) Bref, maman n'a pas eu tout à fait tort de se faire du souci, l'autoroute est une patinoire blanche sur laquelle les voitures avancent prudemment à la queue-leu-leu. Sur l'autre voie, le trafic est carrément arrêté. Les équipes de secours s'activent autour d'un véhicule méchamment amoché. Enfin Martigny, puis Sion. Et le soleil. Enfin.
Beau, mais froid. Très froid. Dans toute la Suisse Romande, on atteint des records. -14°C à notre arrivée. On court se mettre au chaud dans un café, on analyse le déroulement de la journée et les interventions de chacun. Renato est super dissipé, il fait plein de gags lourds genre « Je suis ton père... chiste » (faut connaître Star Wars mais bon...).
Bref, fallait s'y attendre, quand on est enfin prêts à tourner, à se les cailler dehors, tout part en vrille à cause de Renato qui n'a rien écouté. Il porte de scandaleux cache-oreilles roses tout poilus horribles et tout le monde le regarde en ricanant. Lui, il s'en fiche et, les oreilles bien au chaud, en oublie carrément de mettre son casque. Classique : Max s'énerve, Renato s'énerve et moi, je m'énerve. Ce qui ne nous fait pas vraiment gagner de temps.
A midi, miracle. Renato a enfin réussi à prendre un son « à peu près acceptable » (enfin, c'est ce qu'il a dit). On est juste euphoriques d'aller se mettre au chaud. Mais non. Maxime, notre Spielberg-à-deux-balles, a besoin de « plans de coupe ». Renato, il dit qu'il sait pas ce que c'est et qu'il va les lui couper, les plans. Maxime répond que c'est pas de sa faute s'il bosse avec des incompétents amateurs et nous explique qu'il doit nous filmer faire des trucs stupides genre se promener dans la vieille ville, regarder les églises, se poser des questions sur les pavés. Bref, gonflants. Surtout que je sens plus mes pieds et que Renato a pas l'air d'avoir tout compris. Donc. On se balade un peu partout dans les ruelles, on regarde les églises, on parle des pavés et on s'arrête quand Max demande à Renato de se mettre à poil pour un plan plus ambitieux. Là, Renato dit qu'il faut quand même pas exagérer, et qu'il faut pas pousser la goutte d'eau dans les orties et des trucs comme ça. Alors Max propose de se faire une fondue.
La fondue, elle passe juste carrément bien ! Avec du thé chaud, tout se réchauffe, des pieds à la tête en passant par le bout du nez. Je me me dis que la prochaine fois, je doublerai mes chaussettes. Évidemment, Renato perd son bout de pain et n'en pipe pas mot. Le règle veut que je lui trouve un gage bien humiliant mais, caché derrière son caquelon, Maxime me regarde avec des yeux bizarres, genre merlan frit. J'oublie le gage.
A 14 heures, toute l'équipe se déplace à quelques rues de là. Dans l'étude de l'avocat spécialiste des nouvelles technologies Sébastien Fanti. C'est un avocat super cool qui ressemble aux « gens ». Enfin, je veux dire, il fait pas « avocat » comme les autres. Enfin. Voilà, quoi. Mais quand même. Il est super connu et a super l'habitude des interviews. J'ai un peu peur de faire tâche avec mes questions d'ados et mon équipe zarb faite de bric et de brac, d'un preneur de son manchot et d'un réalisateur raté.
Je ne sais pas trop comment lui parler. On m'a dit de dire « Maître », un peu comme un prof d'école. Il m'explique que c'est un titre professionnel mais que Monsieur, c'est bien aussi. Je lui parle de ces fameuses « données ». Il m'explique que ce mot regroupe toutes les informations qui circulent sur moi, sur Internet. Mon nom, mon âge, mon adresse, etc. Il me parle aussi de la sphère publique et privée. De ces espaces pas très bien délimités entre ce que tout le monde peut savoir et ce que je veux garder dans un cercle plus intime.
A la fin de la journée, on remballe notre matériel. Maxime traîne un peu et regarde le sol. Il est pas très adroit mais je crois qu'il me drague. Enfin qu'il essaie. Franchement ? Ridicule !